Languedoc-Roussillon-Sud-Ouest – 2001

Par nécessité (dans des zones oubliées ou volontairement mise à l’écart des découpages d’AOC), ou par conviction et souci de liberté (utilisation de cépages interdits dans les appellations), les producteurs de « vins de pays » sont nombreux en Languedoc – la plupart établis dans l’Hérault. Ils peuvent produire du vin de cépage (chardonnay, sauvignon, cabernet, merlot) et parfois des cuvées égales ou supérieures aux appellations.

L’actualité des millésimes

Lorsque l’on tirera un bilan complet de la décennie, on s’apercevra certainement que de le Languedoc et le Roussillon on été les régions les plus favorisées en matière climatique. Ce constat, qui n’a d’ailleurs rien d’étonnant pour ces contrées méridionales, a permis aux vignerons locaux de s’appuyer sur une série remarquable de grands millésimes pour concrétiser leur progression technique. Les millésimes 1991, 1993, 1994, 1995, 1997 et 1998 font tous parties, avec des nuances et variations, de ce lot privilégié. A la haute marche de ce podium, 1998 fait figure d’année exceptionnelle, où les réussites sont presque générales, avec des vins charnus et mûrs, des structures tanniques veloutées. Les vins rouges sont les grands gagnants de ce millésime, mais rosés et blancs ont su conserver leurs fraîcheur aromatique. Moins médiatisé, le millésime 1999 est à peine inférieur à 1998. 1997 apparaît de manière beaucoup plus contrastée. Il ne restera certes pas dans la mémoire de nombreux producteur, mais il a produit notamment dans les vignobles des contreforts cévenols, des vins très droits et très purs.

Les Domaines

Domaine Daumas Gassac dans l’Hérault

Il est au cœur du Languedoc, dans l’Hérault, une vallée d’exception, la vallée Gassac. Sous l’épais manteau de garrigue, une cinquantaine d’hectares de grèves glaciaires constituent un terroir viticole qui a acquis aujourd’hui une notoriété mondiale. C’est en 1970 qu’Aimé Guibert de la Vaissière, ancien industriel du cuir de Millau, s’installe au Moulin de Gassac, près d’Aniane, sans savoir ce qu’il a sous les pieds. Certes sous Charlemagne le vignoble qui s’étend autour de l’abbaye d’Aniane donne déjà de grands vins. Mais, depuis, il a fait place à la culture du blé, du charbon de bois et à l’élevage d’ovins.

Le Moulin de Gassac

Les vins terrasses, expression la plus traditionnelle du vignoble Languedocien, sont nés d’une circonstance très précise : il fallait arrêter l’arrachage des meilleurs vignes en coteaux, sachant qu’avec les vieilles vignes en coteaux disparaissait le vignoble le plus original du Languedoc, le vignoble épargné par la vague de banalisation qui marque la fin du siècle.
Ce domaine merveilleux des vieilles vignes, non clonées, installées sur des pentes et des collines pierreuses, donnant des rendements faible, des vins aimables et très originaux, riches de soleil du Languedoc, et des embruns iodés de la Méditerranée ; ce domaine, le Moulin de Gassac, aura joué un rôle déterminant pour empêcher son anéantissement .
La collection des vin Terrasses est née de ce combat, et du partenariat avec deux villages du Languedoc : Paulhan, au bord de l’Hérault, et Villeveyras, splendide amphithéâtre dominant la Méditerranées et le port de Sète : Deux grands terroirs originaux donnant des vins à l’ancienne, strictement réservés aux cavistes indépendants à l’exclusion des grandes surfaces !
Les vins Terrasses, ce sont les symphonies d’arômes que donnent les raisins en majorité non clonés, cultivés dans plus de 73.000 petites parcelles de vignes apportant chacune sa note singulière ; sept mille parcelles, aimées, cultivées, choyées par huit cents vignerons !

Mas de Daumas Gassac

C’est le géographe Henry Enjalbert, de l’université de Bordeaux, qui diagnostiquera les potentialités viticoles du sol. Et c’est avec un « esprit artisan et non industriel, l’esprit des compagnons du tour de France » qu’Aimé Guibert va se lancer dans l’aventure.
« Quand j’ai dit que sur cette colline languedocienne pouvait naître un grand cru, qui sortirait le vignoble héraultais de l’anonymat, on m’a pris dans la région pour un hurluberlu . » La chambre d’agriculture de Bordeaux va l’aider à constituer son chai. L’œnologue Emile Peynaud, qui œuvre habituellement chez Château-Margaux, va conseiller le cabernet-sauvignon allié à neuf autres cépages, et codifier les vinifications. Refusant les clônes, Aimé Guibert ira chercher ses plants sur de vieilles vignes du Médoc d’avant 1914.
La première récolte sur 7,5 hectares est effectuée en 1978. Grand communicateur, Aimé Guibert va rapidement faire goûter sa production à la presse anglo-saxonne, très influente dans ce domaine. La consécration sera rapide ; le vin entre dans le club fermé des grands crus, qualifié de « seul grand cru du midi » par le journaliste Hugh Johnson, et d’« exceptionnel » par Robert Parker. Hors normes, hors appellation, c’est alors l’un des vins de pays les plus chers du monde. Le domaine compte aujourd’hui quatre-vingts hectares, dont trente seulement sont des vignes, de petites parcelles entourées de garrigue, identiques à des clairières : « Pour mille mètres carrés de vigne, il y en a deux mille de garrigue. La terre est vivante et je garde ainsi ses propriétés ». Une vigne cultivée en espalier pour éviter les parasites organiques, sans engrais chimiques, seulement du compost en provenance de l’Aveyron.
Aîmé Guibert est homme à cultiver le lien. Lien avec la tradition, la terre, la vigne, la savoir-faire. La fabrication du Daumas Gassac rouge prend sa source dans la philosophie bordelaise d’Emile Peynaud : des vendanges manuelles, un pressoir Vasselin qui écrase les raisins doucement, une cuvaison traditionnelle Médoc, une vinification Château-Margaux et un rendement faible de quarante hectolitre par hectare. « Je n’ai rien inventé, j’ai appris », assure un brin modeste Aîmé Guibert.
Emile Peynaud avait prophétisé un vin qui dépasserait les vingt ans de belle maturation. Et pourrait même pousser jusqu’à quarante-cinq ans. C’est cette extraordinaire capacité de vieillissement qui a emballé les Britanniques. « Cette longévité n’appartient qu’aux grand crus. Seul 1% des vins du Languedoc en sont capables. En bordelais, on atteint 3%. Le millésime 78 de Daumas Gassac dégusté en 98 a révélé un vin encore jeune ».
Fort de son succès, Aîmé Guibert crée en 1998 un vin blanc, à partir des cépages viognier et chardonnay, associés depuis 89 au petit manseng et à quelques autres cépages rares. Une réussite immédiate, « on se demande aujourd’hui si le blanc n’est pas plus grand que le rouge : le rouge a de l’estime, le blanc de la gloire », assure le créateur, avec un grand sens de la formule.

Les Millésimes

Quand boire les vins du Mas de Daumas Gassac. Aimé Guibert nous dit : « Buvez vos Daumas Gassac Rouges pour moitié avant la troisième année et pour l’autre moitié après la septième année ».
Les grands millésimes rouges : 1980 – 1982 – 12985 – 1986 – 1989 – 1990 – 1994 – 1995 – 1998
Les blancs sont à boire dans la 1ère année, pour découvrire les arômes de fruits. Dès la 2ème année, le fruit s’efface au bénéfice des arômes secondaires de bouquets très fin mais moins floraux. A partir de 3 ans, le Chardonnay domine. C’est un autre vin qui apparaît.

Le Domaine Prieuré de Saint-Jean de Bébian

Fondé au 1er siècle, sous l’empereur Auguste, par un légionnaire romain du nom de Poblicius, le Prieuré de Saint-Jean de Bébian est l’un des plus anciens lieux de culture de la vigne en France.
Après le départ des moines et la Révolution, Saint-Jean de Bébian fut vendu comme Bien National. Jusqu’à la Seconde Guerre Mondiales, trois propriétaires seulement s’y succédèrent, tous vignerons.
En 1975, Alain Roux reprend en mains le domaine familial et entreprend des modification fondamentales. Il plante des cépages nobles : syrah, grenache, mourvèdre. Il garde soigneusement les vieux plants méditerranéens (cinsault, carigan). Et y adjoint les autres cépages traditionnels de Châteauneuf du Pape : roussane, marsanne, clairette, counoise, bourboulenc, grenache gris …
Le Prieuré St Jean de Bébian a été racheté en 1994 par Chantal Lecouty et Jean Claude Le Brun, anciens dirigeant de la Revue du Vin de France, qui entendent continuer l’œuvre d’Alain Roux : produire des vins méditerranéens de la plus haute qualité.

Le vignoble

Situation géographique : A 3 km de Pézenas (Hérault), sur les coteaux formant les premiers contreforts des Cévennes.
Orientation : Coteaux tous exposés sud ou sud-ouest
Type de sols : Sols arides et caillouteux : calcaire et argilo-calcaires du Villafranchien, basalte, argilo-gréseux (galets de grès et de quartz), argilo-silicieux (marbre).
Particularité : Vignoble très morcelé (28 parcelles), avec des vignes parfois éloignées du domaine (jusqu’à 5 km), car seuls les meilleurs terroirs ont été retenus.

Les vins

Ils sont de style épicé, profond, généreux sans aucun artifice.
A partir de 1994, les nouveaux propriétaires ont sélectionnés avec plus de soin les raisins récoltés, valorisant d’avantage le fruit et les tannins.

Glossaire :(fiche technique)
*Sélection massale : Chaque souche du vignoble est étudiée sur le terrain ; l’observation est menée sur trois années consécutives, afin de vérifier sa régularité, l’absence de mutation et son état sanitaire. La sélection massale peut être positive ou négative. Dans le premier cas, on ne marque que les vignes intéressante pour la multiplication. Dans le second cas, ce sont les souches à écarter qui sont identifiées.

Extrait de : « Vins et vignobles de France » 1998 ; Bettane et Desseauve 2001 ; Dossier Anne-Marie SCHALLER ; site internet www.cavesdefrance.com ; Dictionnaire Hachette du vin.